Le Bon Dieu n’a pas voulu de moi (et le Diable non plus …)

vendredi 6 septembre 2024, par Franco

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Pour mieux comprendre ce titre, il faut se remettre dans le contexte où il a été enregistré. En 1986, les Fils de Joie se résument à deux personnes : Marc et Olivier de Joie. Le groupe vient de connaître une mauvaise expérience avec leur label Phonogram, qui leur a imposé une production trop lisse à leurs yeux. En 1985, les enregistrements de « J’appelle par-delà les mers » et de la deuxième version de « Adieu Paris », pilotés par Frank Darcel, génèrent des dissensions au sein du groupe qui finit par se séparer à la fin de l’année.

Les deux « survivants », Marc et Olivier, se retrouvent seuls au Studio de Radio Libération à Paris, après avoir passé deux mois à Landévennec en Bretagne, pour écrire et composer. Ils enregistrent les nouveaux titres à leur guise mais sans se faire beaucoup d’illusion. La plupart de ces bandes ne sortiront que bien plus tard, au début des années 2020, notamment sur l’album « Nous ne dansons plus la nuit », publié par le label indépendant Pop Sisters Records (2023). Ce sont leurs « Basement Tapes » à eux.

On peut voir le texte de la chanson comme une métaphore de cette expérience douloureuse vécue précédemment avec les règles d’uniformité du label, imposées par Frank Darcel, le producteur artistique (pourtant lui-même ancien Marquis de Sade, autre groupe pionnier de la vague post-punk en France). « J’ai perdu mes illusions et renoncé à l’inconnu … » chante Olivier. Il ajoute au refrain : « Le Bon Dieu n’a pas voulu de moi et le Diable non plus … ». Ils ont survécu mais c’est la fin d’une époque, la fin des illusions pour ces jeunes ex-punks, ex-new wavers qui avaient vu dans le rock un moyen d’expression créative, tant par les textes, la musique et un son nouveau, surtout le moyen de vivre libre et sans entraves …

L’orchestration du titre est particulièrement dépouillée et acoustique malgré une boîte à rythme discrète. On entend même un harmonica. Il s’agissait du premier jet du morceau avec deux couplets et le refrain. Cette version se suffit à elle-même. Depuis leur retour sur scène en 2022, Les Fils de Joie joue une version plus électrique, dans laquelle la guitare d’Olivier prend plus de place, avec trois couplets et toujours ce refrain que le public aime à reprendre à tue-tête. Il se termine par : « alors je suis revenu retrouver celle qui m’est toujours restée fidèle … ». On peut imaginer : la musique ? Un femme ? Sa conscience ? Il est clair que le héros de la chanson est parti plein d’illusion pour une aventure douloureuse et revient changé. Je vois cette chanson comme un hommage à tous ces groupes ou ces artistes qui ont été fracassés par le système du show biz qui ne leur a pas fait assez confiance. Les groupes passent mais les titres restent. Ces bandes du studio de Radio Libération, tout comme la première version d’Adieu Paris (auto-produite par le groupe) démontre à quel point Les Fils de Joie ont été parmi les précurseurs et ont pavé le chemin pour les générations futures du rock Français.